Nous voilà donc face à la perspective d’un nouveau mandat Trump, une séquence politique qui s’annonce aussi spectaculaire que préoccupante. Les premiers concernés sont, bien entendu, les Américains eux-mêmes, mais l’onde de choc touchera l’ensemble de la communauté internationale, contrainte de composer avec ce théâtre politique si particulier.
Car c’est bien de théâtre qu’il s’agit : un one-man-show où se mêlent promesses mirobolantes, théories conspirationnistes, et cette fascinante capacité à présenter des solutions simplistes à des problèmes complexes. Le plus troublant dans cette histoire n’est pas tant Trump lui-même - dont le personnage est désormais bien connu - que ce qu’il révèle de nos démocraties contemporaines.
Les électeurs américains n’ont pas tant voté pour un programme que contre un présent qui les désespère. C’est un mécanisme que l’Histoire nous a déjà enseigné, notamment dans les années 1930. La grande différence, et c’est là peut-être notre garde-fou, réside dans la solidité des institutions américaines. Trump aura beau gesticuler, il ne sera pas seul aux commandes.
Son rapport à la réalité promet d’ailleurs d’être particulièrement savoureux. Imaginez un instant ses futures confrontations avec la Chine : notre apprenti sorcier semble oublier qu’on ne manie pas une puissance économique mondiale comme on gère un casino à Atlantic City. Même constat sur le dossier ukrainien, où sa présumée habileté face à Poutine risque de se transformer en magistrale leçon de diplomatie… reçue plutôt que donnée.
La contradiction fondamentale de sa posture - vouloir isoler les États-Unis tout en prétendant dicter leur conduite aux autres nations - produira probablement un spectacle aussi absurde qu’inefficace. Ses décisions, prises dans la fougue du moment et souvent contredites le lendemain, risquent de s’annuler les unes les autres, créant une forme de paralysie politique dont l’Histoire retiendra surtout le bruit et la fureur.
Cette période pourrait, paradoxalement, représenter une opportunité pour l’Europe. Quatre années de chaos trumpien pourraient enfin nous contraindre à cette autonomie stratégique dont nous parlons tant mais que nous peinons à concrétiser. Il y a parfois dans l’adversité des occasions à saisir.
En définitive, ces quatre années s’annoncent moins comme un danger existentiel que comme un monumental gâchis. Les riches continueront de prospérer, les pauvres de s’appauvrir, et les grandes questions de notre temps - du climat aux inégalités en passant par les tensions géopolitiques - resteront en suspens, otages d’une présidence qui confond la gouvernance d’une nation avec la gestion d’une entreprise.
C’est peut-être là la plus grande ironie de cette situation : Trump, qui se présente comme l’homme du « faire », risque de présider sur quatre années d’immobilisme, ponctuées de gesticulations médiatiques mais vides de réelles avancées. Un temps suspendu, en somme, dont l’Histoire retiendra surtout qu’il aura retardé les réponses aux défis cruciaux de notre époque.