Albert Camus, ou la production de l'eau tiède

L’œuvre de Camus présente ce paradoxe fascinant d’être universellement célébrée tout en souffrant d’une certaine vacuité intellectuelle. Son statut d’auteur « consensuel » — pour ne pas dire conformiste — soulève d’ailleurs des questions sur la réception de la littérature dans notre société. Car enfin, que reste-t-il vraiment de cette pensée qui se veut à la fois existentialiste et humaniste ?

On pourrait dire que Camus incarne parfaitement cette tradition française d’une philosophie médiatique, accessible mais finalement peu substantielle. Ses positions, qu’elles soient politiques ou philosophiques, relèvent souvent d’un certain universalisme de façade, une pensée qui se veut audacieuse mais qui, à y regarder de près, enfonce surtout des portes ouvertes.

Son style, certes maîtrisé, reste profondément académique — comme si l’exercice de dissertation ne l’avait jamais vraiment quitté. Quant à sa grande « révélation » sur l’absurdité de l’existence, elle apparaît aujourd’hui d’une banalité presque déconcertante. D’ailleurs, ses engagements politiques, notamment son internationalisme et son pacifisme, bien que louables, ne font que reprendre des positions déjà brillamment défendues par ses prédécesseurs — songeons à l’incomparable Stefan Zweig.

En définitive, Camus ressemble à ces restaurants qui proposent une cuisine pour tous les goûts : on y trouve de tout, mais rien d’excellent. C’est peut-être là le drame d’une œuvre qui, à force de vouloir parler à tous, finit par ne plus dire grand-chose à personne. Un philosophe pour manuel scolaire, un penseur pour conversations de salon — voilà peut-être le verdict le plus juste qu’on puisse porter sur cet auteur canonisé par l’establishment culturel français.