Criminel de guerre, et en même temps, pas criminel de guerre
Il est frappant d’observer comment se déploie ce ballet diplomatique où la France, dans un premier temps, affiche une posture de fermeté morale en s’engageant à respecter les conclusions de la Cour pénale internationale concernant Benjamin Netanyahou, pour ensuite opérer un revirement spectaculaire sous le voile d’une négociation de cessez-le-feu au Liban.
Cette volte-face diplomatique s’inscrit parfaitement dans ce que l’on pourrait nommer la « doctrine du en même temps » - cette particularité si caractéristique de l’ère Macron, où l’art du grand écart politique s’est érigé en méthode de gouvernance. D’un côté, on brandit les principes universels de justice, et de l’autre, on les dilue dans les eaux troubles du pragmatisme géopolitique.
Le plus saisissant dans cette chorégraphie diplomatique n’est peut-être pas tant la prévisible violation du cessez-le-feu par Israël - un scénario qui s’est répété maintes fois dans l’histoire - que la naïveté feinte ou réelle de notre appareil diplomatique. Car enfin, troquer l’application d’une décision de justice internationale contre une promesse de paix dont l’histoire nous enseigne la fragilité relève soit d’une candeur confondante, soit d’un cynisme assumé.
Cette séquence diplomatique révèle les limites d’une politique étrangère qui cherche perpétuellement à ménager la chèvre et le chou, à incarner simultanément la fermeté des principes et la souplesse des arrangements. Or, cette politique du « en même temps » atteint ici ses limites les plus évidentes : comment maintenir sa crédibilité sur la scène internationale quand on subordonne l’application du droit à des considérations tactiques aussi transparentes ?
En définitive, cet épisode ne fait que souligner l’épuisement d’un modèle diplomatique qui, à force de vouloir concilier l’inconciliable, finit par perdre toute substance. Il illustre parfaitement cette dérive où la recherche perpétuelle du compromis aboutit paradoxalement à compromettre les principes mêmes qu’elle prétendait défendre.
La seule issue possible à ce théâtre d’ombres semble effectivement résider dans un renouvellement profond de notre approche diplomatique, qui ne pourra vraisemblablement advenir qu’avec la fin du mandat présidentiel actuel. Car ce « en même temps » diplomatique, poussé ici jusqu’à l’absurde, ne fait plus illusion : il apparaît désormais comme le symptôme d’une politique étrangère en quête de repères, oscillant perpétuellement entre grandeur proclamée et accommodements pragmatiques.