De l'histrion à la présidence : réflexion sur les frontières du spectacle et du pouvoir

La question de Cyril Hanouna et d’une éventuelle ambition présidentielle mérite une analyse approfondie, tant elle révèle les mutations profondes de notre paysage démocratique contemporain.

Non, Cyril Hanouna ne sera jamais président de la République, et nous pouvons collectivement nous en réjouir. Notre époque, il est vrai, s’est transformée en théâtre où les bouffons occupent désormais l’avant-scène politique - Trump en demeurant l’incarnation la plus saisissante. Sa présidence récemment reconquise nous offre déjà, en quelques mois à peine, la confirmation éclatante de cette vérité : lorsqu’un clown franchit les portes d’un palais, ce n’est pas le clown qui se métamorphose en monarque, mais bien le palais qui se transforme en cirque.

Reconnaissons à Hanouna certaines qualités intrinsèques - l’art de la pitrerie requiert un savoir-faire particulier que tous ne possèdent pas, comme l’a démontré, à sa manière, Patrick Sébastien. Mais la comparaison avec Coluche, souvent avancée pour légitimer d’hypothétiques ambitions présidentielles, relève du contresens historique et politique.

Au-delà de sensibilités politiques diamétralement opposées, il y a cette différence fondamentale : jamais Coluche n’a véritablement envisagé d’accéder à l’Élysée, contrairement aux velléités que l’on prête à Hanouna. Si Coluche avait effectivement réalisé des scores significatifs dans les sondages d’intentions de vote, il est probable qu’Hanouna pourrait, lui aussi, séduire une frange non négligeable de l’électorat - ce qui constitue, en soi, une interrogation troublante sur les limites de notre système démocratique.

Nous sommes entrés dans l’ère de la démocratie spectacle, rythmée par les pitreries numériques, l’emballement des réseaux sociaux, la prolifération des mèmes, la frénésie de publications vides de sens, et cette théorie simpliste selon laquelle la nouveauté serait intrinsèquement vertueuse tandis que tout ce qui émane de la gauche traditionnelle serait nécessairement obsolète.

Nulle part dans le monde contemporain, la fonction présidentielle ne s’accommode d’un parcours d’humoriste, de provocateur ou de « pétomane ». La présidence d’une République exige des compétences qui transcendent l’art de la provocation médiatique.

On m’objectera peut-être le cas de Zelensky, cet acteur et humoriste devenu chef d’État. La comparaison est pourtant révélatrice : Zelensky a précisément su abandonner ses pitreries antérieures pour endosser, avec une dignité remarquable, les responsabilités de sa fonction. Il incarne aujourd’hui, probablement, l’une des figures les plus admirables de notre époque contemporaine. À l’opposé, Trump nous offre le spectacle désolant d’une confusion permanente entre ses activités d’homme d’affaires, son goût pour la mise en scène, ses mensonges compulsifs et les exigences de la fonction présidentielle - avec les conséquences catastrophiques que nous constatons.

Ce destin nous sera épargné en France, fort heureusement. Hanouna appartient à cette catégorie de personnages qui prétendent pouvoir être ce qu’ils ne sont manifestement pas. Le gouffre est immense entre le pitre aux comportements souvent détestables et la fonction suprême qui exige de se considérer comme le représentant de tous les Français, sans exception - ce qu’Hanouna, par nature et par choix, n’est pas et ne sera jamais.

Coluche, lui, aurait peut-être pu prétendre légitimement à cette fonction, car ses valeurs - l’empathie, le partage, la défense des plus vulnérables, la critique acerbe de la politique-spectacle - trouvaient un écho profond dans la conscience collective française. Seul son langage constituait un obstacle à cette ambition qui n’était, au demeurant, qu’une façade.

Si certains discernent en Hanouna des qualités, je ne saurais contester cette évidence - chacun possède ses vertus. Mais lorsque les défauts l’emportent aussi manifestement sur les qualités, comment envisager sérieusement de confier à un tel personnage la plus haute fonction de l’État?

Ceux qui affirment souhaiter sincèrement son accession à l’Élysée sont probablement rares. Ce qu’ils expriment, à travers ce souhait paradoxal, c’est avant tout leur désarroi face à un paysage politique désenchanté, où nul ne semble incarner les espérances collectives. De là à se tourner vers le premier histrion venu, dont le fond de commerce repose sur l’humiliation d’autrui et la méchanceté érigée en spectacle, il existe un abîme que la raison se refuse à franchir.

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Ça risque pas, Cyril est un bouffon :joy: