Le milliardaire spatial lance son encyclopédie à « réalité parallèle » ![]()
Voilà comment ça marche. Plutôt que d’écrire ses mensonges avec ses petites mains, car monsieur Musk est un homme très occupé, comme vous le savez, il a simplement demandé à son GroinkPedia de pomper les articles principaux de Wikipedia, et de les faire transformer par son intelligence Groink, qui, je vous le donne en mille, se nourrit principalement de son réseau X. La boucle est bouclée. Toutes les conneries de X se retrouvent donc dans sa copie transformée de Wikipedia, qu’il a appelé GroinkPedia . Voilà. ![]()
« On est jamais aussi bien servi que par soi-même »
Elon Musk débarque avec Grokipédia ![]()
, sa version « améliorée » (copiée et déformée) de Wikipédia, qu’il accuse d’être trop « woke » ![]()
et manipulée par les médias mainstream ![]()
.
Le principe : Une encyclopédie dopée à l’IA Grok ![]()
qui assume carrément son biais idéologique conservateur et mensonger ![]()
. Au programme :
- Recyclage de thèses d’extrême droite

- Minimisation des faits gênants pour Musk et ses potes (coucou Trump

) - Omissions sélectives stratégiques
(condamnations de Trump ? Connais pas. Cofondateurs nazis du RN ? Jamais entendu parler
) - Promotion de récits historiques… disons « alternatifs »


La différence avec Wikipédia :
- Wikipédia : neutralité + vérification collective


- Grokipédia : instructions fantômes
+ priorité aux sources alignées sur Musk (genre… ses propres tweets sur X 𝕏
)
L’objectif : Semer le doute culturel ![]()
et parasiter le débat public ![]()
![]()
La réalité : Pour l’instant, le trafic reste microscopique
comparé à Wikipédia ![]()
Bref, une encyclopédie « objective » qui cite surtout son créateur. Rien de suspect. ![]()
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Analyse Comparative : Les Modèles Opérationnels de Grokipédia et Wikipédia
Introduction
À première vue, Grokipédia et Wikipédia pourraient apparaître comme de simples concurrents dans le domaine des encyclopédies en ligne. Cependant, une analyse plus approfondie révèle qu’ils incarnent deux visions radicalement opposées de la création et de la diffusion du savoir à l’ère numérique. D’un côté, un projet fondé sur l’intelligence collective humaine, et de l’autre, une plateforme automatisée guidée par une intention idéologique claire. Ce document a pour objectif d’analyser et de comparer en profondeur leurs modèles de fonctionnement, de la création de contenu à la vérification des faits, afin de mettre en lumière les implications de chaque approche pour l’intégrité de l’information et la confiance des utilisateurs.
1. Genèse et Motivations Fondatrices : Deux Philosophies Opposées
Pour décrypter le fonctionnement et les biais potentiels de chaque plateforme, il est essentiel de comprendre leurs motivations originelles. La raison d’être de chaque encyclopédie façonne directement son architecture, ses processus de validation et ses garde-fous. Leurs divergences ne sont pas techniques, mais avant tout philosophiques.
1.1. Wikipédia : Le Projet de l’Intelligence Collective Régulée
Wikipédia est un projet monumental reposant sur une communauté mondiale de contributeurs bénévoles. Son fonctionnement n’est pas anarchique ; il est régi par des principes fondamentaux clairs, établis et supervisés par la Wikimedia Foundation. Ces règles visent à garantir une forme de rigueur et d’objectivité dans un environnement ouvert et collaboratif. Les piliers de ce modèle sont :
- Utilisation de sources fiables : Toute information doit être vérifiable et s’appuyer sur des publications reconnues.
- Respect du droit d’auteur : Le plagiat et la violation de la propriété intellectuelle sont proscrits.
- Maintien d’un point de vue neutre : Les articles doivent présenter les différents points de vue sur un sujet de manière équilibrée, sans prendre parti.
1.2. Grokipédia : Une Contre-Proposition Idéologique
Grokipédia a été créée comme une réponse directe et un « pied de nez » à Wikipédia. Sa genèse est intrinsèquement liée aux critiques formulées par son fondateur, Elon Musk, qui accuse l’encyclopédie collaborative d’être « trop woke » et « contrôlée par les médias mainstream et les militants d’extrême gauche ». L’objectif affiché par Musk pour sa contre-encyclopédie est sans équivoque : apporter « la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ». Cette mission, présentée comme un retour à une objectivité perdue, justifie un modèle opérationnel radicalement différent.
Ces philosophies fondatrices, l’une basée sur la collaboration humaine encadrée et l’autre sur une rectification idéologique automatisée, donnent naissance à des mécanismes de production de contenu que tout oppose.
2. Mécanismes de Création et de Contrôle du Contenu
Le processus par lequel l’information est générée, vérifiée et publiée constitue le principal point de divergence entre les deux plateformes. C’est en disséquant les rouages internes de chaque architecture de confiance que l’on peut véritablement révéler leurs forces et leurs faiblesses intrinsèques, ainsi que leur impact sur la fiabilité du contenu.
2.1. Le Modèle Wikipédia : La Gouvernance Éditoriale Communautaire
Le système de Wikipédia est entièrement centré sur l’intervention humaine à plusieurs niveaux de contrôle, créant une gouvernance éditoriale communautaire basée sur la surveillance mutuelle :
- Rédaction : Les articles sont initialement rédigés et modifiés par des millions de bénévoles à travers le monde.
- Vérification : Des contributeurs plus expérimentés scrutent les modifications en temps réel, pouvant annuler rapidement les ajouts malveillants ou non sourcés.
- Arbitrage : Les désaccords sur le contenu sont gérés collectivement sur des pages de discussion associées à chaque article, où les arguments sont débattus jusqu’à l’obtention d’un consensus.
Cette architecture vise à corriger les biais par un processus de délibération humaine transparente et a posteriori.
2.2. Le Modèle Grokipédia : La Gouvernance Éditoriale Algorithmique
Grokipédia fonctionne sur une gouvernance éditoriale algorithmique. Il utilise l’IA « Grok » pour « plagier et réorienter les informations » qu’elle trouve sur Internet. Cette architecture injecte un biais idéologique de manière opaque et a priori, au niveau même de la génération du contenu, via deux mécanismes principaux :
- Le « System Prompt » : Il s’agit d’un ensemble d’instructions « fantômes », invisibles pour l’utilisateur, qui définissent le ton, les valeurs et les limites de l’IA. Ces instructions pré-orientent chaque réponse pour qu’elle s’aligne sur une vision du monde spécifique.
- Le RAG (Retrieval-Augmented Generation) : Ce système permet à l’IA de chercher des sources. Pour simplifier, le RAG est le « bibliothécaire » de l’IA. Alors qu’un bibliothécaire neutre proposerait des sources variées, celui de Grok a reçu l’ordre strict de consulter en priorité les étagères « Réseau Social X » et « Publications d’Elon Musk » avant toutes les autres.
Le contraste est donc fondamental : d’un côté, une correction par le débat transparent ; de l’autre, une orientation par le code opaque. Les effets de cette injection de biais systémique sont manifestes dans le contenu produit.
3. Analyse des Conséquences sur l’Intégrité de l’Information : Études de Cas
Les exemples concrets tirés de Grokipédia permettent de mesurer l’impact de son modèle. Ces cas ne doivent pas être vus comme des erreurs aléatoires, mais comme des illustrations directes de l’influence délibérée de son algorithme sur le contenu final, reflétant un objectif idéologique précis.
3.1. Traitement des Personnalités Publiques
Le traitement réservé aux figures publiques est particulièrement révélateur du biais de la plateforme.
| Personnalité | Analyse du Biais de Présentation |
|---|---|
| Elon Musk | Décrit comme un « visionnaire technologique accessible ». Ses publications sur X sont présentées comme un « contenu humoristique » et « irrévérencieux » qui « a trouvé un écho favorable auprès des jeunes générations ». |
| Donald Trump | Sa biographie présente une omission factuelle majeure : l’absence de toute mention de sa condamnation définitive pour agression sexuelle sur la chroniqueuse E. Jean Carroll, confirmée définitivement en 2023. Cette censure sélective est une application directe du « System Prompt » et du RAG configurés pour écarter les sources jugées hostiles. |
3.2. Réécriture de Faits Historiques et Sociaux
Grokipédia présente plusieurs cas de révisionnisme historique et de présentation biaisée de faits sociaux, alignés sur des narratifs spécifiques.
- Esclavage aux États-Unis : L’encyclopédie reprend une théorie datant d’une publication de 1929, aujourd’hui largement contredite par la recherche historique, suggérant que les esclaves auraient bénéficié d’un meilleur traitement aux États-Unis qu’ailleurs.
- Histoire du Rassemblement National : La page omet de mentionner les cofondateurs Pierre Bousquet et Léon Gautier, tous deux anciens membres de la Waffen-SS, un fait pourtant documenté et essentiel à la compréhension des origines du parti.
- Théorie du « Grand Remplacement » : Grokipédia affirme que « Les institutions traditionnelles et les médias la rejettent […] privilégiant les discours sur les avantages de la diversité ». La formulation adoptée ici n’est pas un accident de langage, mais le résultat attendu d’un algorithme dont le « System Prompt » est paramétré pour adopter une posture critique envers les « médias traditionnels ».
- Négationnisme de la Shoah : L’IA Grok a été épinglée pour avoir repris des thèses négationnistes, niant la finalité des chambres à gaz. Ce résultat est présenté non comme un bug, mais comme la conséquence d’un « objectif délibéré » de l’algorithme.
3.3. Alignement sur des Récits Politiques Partisans
Sur des sujets politiques contemporains, Grokipédia reprend quasi mot pour mot les positions d’Elon Musk et de la droite conservatrice américaine, notamment concernant l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021.
- L’événement est présenté de manière à minimiser son caractère insurrectionnel.
- Le récit critique spécifiquement les médias CNN et MSNBC tout en reprenant les prises de position de la chaîne conservatrice Fox News.
- Il cite l’argument de « l’absence de preuve empirique d’un complot centralisé » pour discréditer la version dominante des faits, établie par les rapports d’enquête officiels.
- Ce narratif est en corrélation directe avec les déclarations publiques d’Elon Musk, qui a demandé la libération de l’un des leaders de l’attaque et a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une « insurrection violente ».
Ces exemples démontrent un alignement systématique du contenu avec une ligne idéologique prédéfinie, transformant l’encyclopédie en un outil de promotion d’un récit partisan.
4. Objectifs Stratégiques et Impact Culturel
Au-delà de la simple fourniture d’informations, Grokipédia s’inscrit dans une stratégie culturelle et informationnelle plus vaste. L’analyse de ses objectifs finaux révèle que l’enjeu n’est pas tant de remplacer Wikipédia que de contester son hégémonie sur le terrain des idées.
4.1. Une Guerre d’Audience et d’Influence
Une comparaison du trafic des deux plateformes montre une différence d’échelle colossale :
- Grokipédia : environ 35 000 visites par jour (selon des données de Similar Web de mi-novembre).
- Wikipédia : plus de 4 millions de visiteurs uniques par jour (uniquement pour la version française).
Ces chiffres confirment que l’objectif principal d’Elon Musk n’est pas de surpasser Wikipédia en volume. L’ambition est ailleurs : il s’agit d’une stratégie d’influence ciblée plutôt que de masse.
4.2. La Finalité : « Parasiter Wikipédia » et Semer le Doute
La finalité stratégique de Grokipédia est claire : « occuper le terrain culturel, semer le doute chez les utilisateurs et donc parasiter Wikipédia ». En proposant une alternative qui prétend détenir « la vraie vérité », Musk ne cherche pas à gagner la guerre du trafic, mais à saper la confiance dans le modèle collaboratif de son concurrent.
Ces deux exemples, bien que issus de contextes politiques différents (autoritarisme d’État vs. initiative privée idéologique), démontrent un même principe fondamental : l’utilisation de l’IA comme un outil de contrôle narratif capable d’effacer ou de réécrire des pans de la réalité pour servir un agenda. C’est la preuve que la manipulation de l’information par l’IA est une stratégie transnationale. Le parallèle avec l’IA chinoise Ernie, incapable de générer une image de la place Tiananmen, est à ce titre éclairant. Il révèle que l’instrumentalisation de la technologie pour protéger un récit dominant n’est pas un phénomène isolé.
Conclusion
La confrontation entre Grokipédia et Wikipédia est bien plus qu’une simple compétition technologique ; c’est un choc entre deux modèles de société de la connaissance. D’une part, le modèle Wikipédia, fondé sur une intelligence collective humaine, perfectible et parfois lent, mais qui vise la neutralité par la collaboration, la transparence des débats et l’exigence de sources vérifiables. D’autre part, le modèle Grokipédia, qui instrumentalise une intelligence artificielle pour promouvoir une vision du monde spécifique de manière opaque et délibérée.
L’émergence d’outils comme Grokipédia pose un défi majeur pour le discernement du public et l’avenir d’un espace informationnel partagé. Elle nous oblige à nous interroger non seulement sur la véracité d’une information, mais aussi sur l’architecture, les motivations et les biais invisibles codés au cœur des systèmes qui nous la présentent.
