La déliquescence du trumpisme : anatomie d'une imposture politique

Les Etats-Unis sont un curieux pays, du temps du maccarthysme on chassait les communistes, et voici venu le temps du trumpisme où l’on chasse les anti-communistes qui contrarient l’amour de Donald Trump pour Vladimir Poutine…

Le trumpisme se révèle, à l’analyse, comme un fascinant cas d’école de ce que j’appellerais volontiers le « capitalisme immobilier appliqué à la géopolitique ». Non pas une doctrine politique, encore moins une vision stratégique, mais plutôt une transposition maladroite des méthodes du bazar : marchander, négocier, obtenir le meilleur prix – comme si les nations étaient des biens immobiliers à acquérir au rabais.

L’ignorance crasse de Trump en matière d’histoire et de géopolitique – sujet d’innombrables chroniques satiriques – n’est pas qu’anecdotique : elle est constitutive de sa méthode. Héritier fortuné devenu promoteur immobilier aux résultats pour le moins mitigés, Trump incarne parfaitement ce que les Américains appellent un « failed upward » – quelqu’un qui progresse grâce à ses échecs. Son accession à la présidence tient moins à ses qualités intrinsèques qu’à une constellation de facteurs : le zeitgeist, le hasard, et cette nouvelle normalisation du mensonge éhonté en politique.

La faillite de sa méthode s’est manifestée dès les premiers jours de son mandat. Prenons ses fameux tarifs douaniers : une catastrophe économique qui a principalement pénalisé les consommateurs américains – subtilité qui semble avoir échappé à notre marchand de tapis en chef. Ses projets fantasques – l’acquisition du Groenland, la mainmise sur le canal de Panama, la transformation de Gaza en Riviera – relèvent plus du délire mégalomaniaque que d’une quelconque vision géopolitique cohérente.

L’analogie avec Poutine est particulièrement éclairante : deux incarnations d’un impérialisme anachronique, unis non par l’amitié mais par une vision commune du monde comme terrain de jeu pour autocrates. Comment Trump pourrait-il sincèrement défendre l’Ukraine contre l’impérialisme russe alors qu’il rêve lui-même d’annexions territoriales ?

Le drame – ou plutôt la farce – c’est que Trump, dans sa vision mercantile du monde, a complètement négligé ces « détails » que sont la fierté des peuples, l’autodétermination, la morale internationale. La réponse cinglante de Zelensky – « l’Ukraine n’est pas à vendre » – illustre parfaitement les limites de cette approche transactionnelle de la géopolitique.

Paradoxalement, la présidence Trump aura eu un effet positif inattendu : le resserrement des liens européens. Comme quoi, même les pires catastrophes peuvent avoir des conséquences bénéfiques. Mais le plus grand dommage causé aux États-Unis est sans doute l’effondrement de leur soft power. L’Amérique, qui ne faisait déjà plus rêver, devient désormais un repoussoir – comme en témoignent les huées lors des rencontres sportives internationales et les boycotts émergents de produits américains.

En un mois à peine, Trump a réussi l’exploit de transformer une superpuissance respectée en objet de dérision internationale. Certes, son mandat n’est que de quatre ans, mais les dégâts causés à l’image et à la crédibilité américaines pourraient, eux, s’avérer bien plus durables.

Face à un dirigeant aussi erratique, la meilleure stratégie reste peut-être la patience : comme tout marchand de tapis, Trump finira bien par proposer un autre prix. Attendons qu’il change d’avis, cela prend en général 24 heures.

Trump n’a aucune stratégie autre que celle du coup de pied dans la fourmilière, et encore pas sûr qu’il sache distinguer son pied droit de son pied gauche…