L'affaire Sarkozy décryptée à partir du jugement intégral

« Le pouvoir sans l’abus n’offre aucun charme » [Paul Valéry]

Analyse des procédures judiciaires complexes concernant des accusations de corruption, de détournement de fonds publics, et de blanchiment impliquant plusieurs individus, notamment des personnalités politiques françaises comme Claude Guéant, Nicolas Sarkozy, et Brice Hortefeux, ainsi que des hommes d’affaires internationaux. Les documents examinent des allégations de financement illégal de la campagne présidentielle française de 2007 par le régime libyen de Mouammar Kadhafi, explorant les contreparties diplomatiques, économiques et juridiques potentielles. Une partie significative du texte concerne l’analyse des flux financiers opaques et des montages sophistiqués, impliquant des comptes bancaires suisses et des entités comme la famille Bugshan et Wahib Nacer, utilisés pour dissimuler l’origine des fonds. Le tribunal évalue la fiabilité des témoignages, l’authenticité des documents, et la culpabilité des prévenus, en se concentrant sur les rôles précis joués par chacun dans ces activités illicites.

Le jugement:
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Dossier d’Analyse : La Structure Politico-Financière Libyenne et les Relations Franco-Libyennes (2005-2011)


1.0 Le Régime Libyen : Structure du Pouvoir et Réseaux d’Influence

1.1 Contexte et Importance Stratégique

Sous le régime de Mouammar Kadhafi, la Libye constituait un État autocratique dont l’architecture du pouvoir présentait une dualité fondamentale. Une analyse rigoureuse des relations internationales et des flux financiers de l’État libyen avant 2011 exige de dissocier la façade institutionnelle de la « Grande Jamahiriya » des réseaux de pouvoir informels et claniques qui constituaient le véritable centre de décision. Cette structure opaque, où le pouvoir réel était délibérément déconnecté des institutions formelles, a directement conditionné la conduite des interactions diplomatiques et des transactions économiques, favorisant des canaux parallèles et des arrangements financiers conçus pour l’opacité.

1.2 Structure Formelle vs. Pouvoir Réel

La « Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste » reposait sur une structure politique officielle, conçue pour matérialiser le « pouvoir des masses ». Cette façade dissimulait un système de gouvernance clanique et hautement centralisé.

Structure Politique Officielle

  • Le Comité Général du Peuple : Agissant comme l’équivalent d’un gouvernement, cette structure était chargée de l’exécution des décisions.
  • Le Congrès Général du Peuple : Conçu comme l’organe législatif suprême, il était censé agir selon les directives des congrès populaires de base.
  • Le Mouvement des Comités Révolutionnaires : Force para-légale infiltrée dans tous les secteurs de la société, agissant comme l’instrument de contrôle idéologique et sécuritaire du régime.

Réseau de Pouvoir Réel En réalité, la prise de décision effective relevait d’un cercle restreint et informel, contournant systématiquement les institutions officielles. Les véritables centres de pouvoir étaient les suivants :

  • Mouammar Kadhafi : Le leader de facto de l’État, exerçant une autorité absolue sans détenir de titre officiel, et contrôlant toutes les nominations aux postes clés.
  • Le cercle rapproché : Composé des membres de sa famille immédiate, jouant un rôle de premier plan dans la gestion des affaires stratégiques.
  • La tribu des QADAFAs : L’appartenance tribale constituait un pilier du pouvoir, et les membres de la tribu de Kadhafi bénéficiaient d’une influence et d’un accès privilégiés.
  • Les « compagnons du leader » : Ce groupe incluait les fidèles de la première heure de la révolution de 1969. Abdallah SENOUSSI, chef des services de renseignement, était une figure centrale et redoutée de ce réseau.
  • Le rôle croissant des fils de Kadhafi : Les fils du leader ont progressivement assumé des responsabilités majeures, notamment Saif Al Islam KADHAFI, publiquement présenté comme le dauphin du régime.

1.3 Transition

La nature centralisée et opaque de ce pouvoir, où les décisions cruciales étaient prises au sein de cercles claniques, a directement conditionné la conduite des relations diplomatiques et économiques avec des partenaires étrangers comme la France, favorisant des canaux de négociation parallèles et des arrangements financiers complexes.


2.0 L’Évolution des Relations Franco-Libyennes : Du Paria à Partenaire Économique

2.1 Contexte et Importance Stratégique

La trajectoire des relations entre la France et la Libye avant 2011 est marquée par une transformation radicale. Après des décennies de sanctions et d’hostilité, consécutives au soutien du régime libyen à des actions terroristes, un tournant majeur s’est opéré après 2003. Cette période a vu la Libye passer du statut d’État paria à celui de partenaire diplomatique et économique recherché. Cette phase de normalisation rapide a créé le contexte propice à l’intensification des interactions politiques et à la signature d’accords stratégiques qui font l’objet de ce dossier.

2.2 Chronologie de la Normalisation

Le rapprochement franco-libyen s’est matérialisé à travers une série d’événements et de visites officielles qui démontrent une volonté politique partagée de normaliser les relations.

  • 1999 : Le régime libyen amorce un changement de posture en acceptant de remettre les suspects de l’attentat contre l’avion de la PAN AM.
  • 12 septembre 2003 : Les Nations Unies lèvent l’embargo contre la Libye, une décision qui fait suite à l’accord d’indemnisation conclu avec la France pour les victimes de l’attentat contre le DC10 d’UTA.
  • 24-25 novembre 2004 : La visite officielle du Président Jacques CHIRAC en Libye marque la reprise effective des relations bilatérales.
  • 6 octobre 2005 : Nicolas SARKOZY, alors ministre de l’Intérieur, effectue une visite en Libye.
  • Juillet 2007 : La France joue un rôle déterminant dans le processus menant à la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien.
  • 24 juillet 2007 : Seconde visite de Nicolas SARKOZY, nouvellement élu Président de la République, en Libye.
  • Décembre 2007 : La visite officielle de Mouammar KADHAFI en France symbolise l’aboutissement du processus de réintégration de la Libye sur la scène internationale.
  • À partir de 2008 : La France se positionne comme le 5ème partenaire économique de la Libye, illustrant la consolidation des liens économiques.

2.3 Transition

Ce rapprochement économique et diplomatique a ouvert la voie à des interactions financières complexes, orchestrées en grande partie par des instruments étatiques opaques, au premier rang desquels figure le fonds souverain Libyan African Investment Portfolio (LAIP).


3.0 Le « Libyan African Investment Portfolio » (LAIP) : Instrument de la Puissance Financière Libyenne

3.1 Contexte et Importance Stratégique

Le Libyan African Investment Portfolio (LAIP), créé en 2006 avec une dotation initiale de cinq milliards de dollars, était un instrument financier clé de l’État libyen. Il constitue un exemple paradigmatique de la manière dont le régime a instrumentalisé des structures financières étatiques à des fins de politique étrangère et d’influence. Sa gouvernance opaque, incarnée par les pouvoirs discrétionnaires de son directeur général Bashir Saleh, une figure centrale du régime, était une caractéristique intrinsèque de sa conception, non une défaillance, destinée à faciliter des opérations non officielles et déniables.

3.2 Structure et Gouvernance

L’article 14 des statuts du fonds conférait des pouvoirs étendus au président du conseil d’administration et directeur général, poste occupé par Bashir Saleh. Son contrôle exécutif sur les opérations du LAIP était quasi-absolu, comme le démontrent ses prérogatives :

  • La supervision générale de l’administration et l’exécution de la politique d’investissement du fonds.
  • La gestion et la direction des affaires quotidiennes.
  • La conclusion d’accords de prêt et de coopération avec des institutions financières et des tiers.
  • Le pouvoir de représenter le fonds dans toutes les transactions et auprès de toutes les instances.

3.3 L’Affaire de la Villa de Mougins : Une Étude de Cas

L’acquisition d’une villa à Mougins par le Libyan Africa Portfolio (LAP) (Suisse) SA, une filiale du LAIP, démontre un modus operandi reproductible de détournement de fonds publics via des transactions immobilières surévaluées.

  1. L’Opération : L’opération a consisté en l’acquisition, pour un montant de 10,14 millions d’euros, des parts de la société néerlandaise AKLAL HOLDING NV, dont le seul actif était la villa.
  2. L’Évaluation du Préjudice : L’expertise judiciaire révèle une surévaluation massive, caractéristique d’un montage destiné à extraire des fonds. Alors que le prix d’achat dépassait les 10 millions d’euros, la valeur réelle du bien a été estimée à seulement 1,8 million d’euros, matérialisant un détournement de plus de 8 millions d’euros au préjudice du fonds souverain libyen.
  3. Les Acteurs Clés : Le montage financier a impliqué plusieurs individus et sociétés écrans jouant des rôles bien définis :
  • Bashir SALEH : En tant que dirigeant du LAP, il a personnellement approuvé cette acquisition manifestement surévaluée.
  • Alexandre DJOUHRI : Identifié comme le propriétaire réel de la villa, il a admis en audience avoir joué le rôle d’« associé écran » d’AKLAL. Il est le bénéficiaire final de la surévaluation.
  • Wahib NACER : Banquier au Crédit Agricole Suisse, il est l’architecte du montage. Il a utilisé la société écran panaméenne BEDUX MANAGEMENT Inc pour dissimuler l’identité du vendeur.
  • Ahmed Salem BUGSHAN : Selon les conclusions du tribunal, il a été utilisé comme bénéficiaire économique officiel de BEDUX à son insu, son nom servant à masquer le véritable acteur de l’opération.

3.4 Transition

De tels montages, impliquant des intermédiaires influents, des sociétés écrans et l’instrumentalisation de fonds souverains, n’étaient pas des cas isolés. Ils constituaient un modèle opérationnel pour d’autres transactions suspectes liant les plus hautes sphères politiques et financières françaises et libyennes.


4.0 Analyse des Flux Financiers et des Réseaux d’Intermédiaires

4.1 Contexte et Importance Stratégique

La complexité des relations franco-libyennes reposait sur un réseau dense d’intermédiaires et d’opérateurs financiers naviguant entre les sphères du pouvoir des deux pays. L’analyse de flux spécifiques est cruciale pour décrypter les circuits financiers opaques qui sous-tendent les accusations de corruption et de financement illégal. Ces réseaux ont permis la mise en place de mécanismes de dissimulation rendant la traçabilité des fonds extrêmement difficile.

4.2 L’Affaire des 500 000 Euros de Claude Guéant

Le virement de 500 000 euros reçu par Claude Guéant le 3 mars 2008 est emblématique des montages mis au jour par l’enquête.

  1. Justification Officielle : Claude Guéant a justifié cette somme par la vente de deux tableaux du peintre flamand Andries VAN EERTVELT à un client malaisien anonyme.
  2. Circuit Financier Réel : L’enquête judiciaire a démontré que la vente des tableaux était une fiction destinée à masquer un circuit financier complexe, conçu pour l’opacité :
  3. Origine : Les fonds proviennent du compte personnel de Khalid Ali BUGSHAN à la National Commercial Bank de Djeddah (Arabie Saoudite).
  4. Transit : Le virement transite par le compte du cabinet d’avocats malaisien RAJENDRAM ASSOCIATES SOLICITORS.
  5. Destination : La somme est créditée sur le compte bancaire de Claude GUEANT.
  6. Remboursement : Un flux ultérieur du 24 mars 2010, d’un montant de 600 000 euros, est analysé comme le remboursement de la somme à Khalid Ali BUGSHAN. Ce flux révèle une technique de « layering » classique : il provient de la société BEDUX, transite par deux comptes distincts appartenant à Ahmed Salem BUGSHAN, avant d’atteindre le compte final de Khalid Ali BUGSHAN.
  7. Conclusion du Tribunal : Le tribunal a conclu que la vente des tableaux était une opération fictive. Ce montage visait à masquer l’origine réelle des fonds et à dissimuler une opération de corruption.

4.3 Le Rôle Central des Intermédiaires et Facilitateurs

Ces opérations complexes n’auraient pas été possibles sans l’intervention d’un réseau d’intermédiaires et de facilitateurs financiers jouant un rôle central de mise en relation et d’ingénierie financière.

Personne Rôle et Connexions Clés
Ziad TAKIEDDINE Intermédiaire qualifié d’« ambassadeur bis » entre la France et la Libye. A organisé des visites ministérielles (Guéant, 2005) et a été au centre de flux financiers importants depuis la Libye via sa société ROSSFIELD TRADING. A mis en relation les sphères politiques françaises (Guéant, Hortefeux) et les responsables de la sécurité libyenne (Senoussi).
Alexandre DJOUHRI Homme d’affaires et intermédiaire influent. Identifié comme le bénéficiaire de la vente surévaluée de la villa de Mougins. Proche de Claude Guéant (59 visites enregistrées à l’Élysée) et impliqué dans le montage du virement des 500 000 euros. Utilisait les comptes bancaires de la famille BUGSHAN pour régler ses dépenses.
Wahib NACER Banquier au Crédit Agricole Suisse et conseiller de la famille BUGSHAN. Décrit comme l’architecte de montages financiers complexes (création de BEDUX). Il gérait une « chambre de compensation occulte » sur les comptes de ses clients. Ce mécanisme était le linchpin connectant des opérations distinctes, permettant aux fonds de la vente de la villa de Mougins de servir au remboursement de l’avance pour le paiement à Claude Guéant.
La famille BUGSHAN Puissante famille d’affaires saoudienne. Leurs comptes bancaires, gérés par Wahib NACER, ont été utilisés comme « comptes hôtes » pour faire transiter et dissimuler des flux financiers. Selon le tribunal, cette pratique a transformé les titulaires des comptes, « à leur insu ou non », en « véritables banquiers de blanchiment ».

4.4 Transition

Ces réseaux et mécanismes financiers sophistiqués, conçus pour opacifier l’origine et la destination des fonds, forment la toile de fond des allégations plus graves concernant un financement direct de la campagne présidentielle de 2007.


5.0 Le Financement de la Campagne de 2007 : Allégations et Contreparties

5.1 Contexte et Importance Stratégique

L’accusation centrale de ce dossier porte sur le financement présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 par le régime de Mouammar Kadhafi. Cette allégation, si elle est avérée, constitue un pacte corruptif au plus haut niveau de l’État. Cette section analyse les éléments matériels, les témoignages clés qui soutiennent cette thèse, ainsi que les contreparties diplomatiques, économiques et juridiques qui auraient été promises en échange de ce soutien.

5.2 Les Piliers de l’Accusation

Plusieurs éléments factuels et témoignages constituent les piliers de l’accusation d’un financement libyen.

  • Les Déclarations des Dignitaires Libyens : Les premières allégations publiques ont émané de hauts responsables du régime en mars 2011, au moment où débutait l’intervention de la coalition internationale. Saif Al Islam KADHAFI, puis Mouammar KADHAFI lui-même, ont déclaré avoir financé la campagne de Nicolas Sarkozy, menaçant de révéler des preuves.
  • Les Carnets de Choukri Ghanem : La découverte des carnets de Choukri Ghanem, ancien Premier ministre et ministre du Pétrole libyen, constitue une pièce déterminante. Une note manuscrite, datée du 29 avril 2007 (entre les deux tours de l’élection présidentielle), détaille des versements pour la campagne de Nicolas Sarkozy :
    • 1,5 million d’euros transmis via Bashir Saleh.
    • 3 millions d’euros transmis via Saif Al Islam Kadhafi.
    • 2 millions d’euros transmis via Abdallah Senoussi.
  • Les Flux Financiers Tracés : L’enquête judiciaire a établi une corrélation directe et précise entre les carnets de Ghanem et des flux financiers réels vers l’intermédiaire Ziad Takieddine. Il est crucial de noter que si Takieddine a perçu des fonds pour d’autres contrats (TOTAL, AMESYS), ces derniers ont transité par des sociétés distinctes (NGO, COMO, TRISTAR). Les fonds qui correspondent aux notes de Ghanem ont été spécifiquement crédités sur le compte de sa société ROSSFIELD TRADING, les isolant de ses autres activités :
    • 2 999 900 € en provenance du Trésor Public libyen, correspondant au montant de 3 M€ attribué à Saif Al Islam.
    • 1 999 480 € en provenance des services secrets libyens, correspondant au montant de 2 M€ attribué à Abdallah Senoussi.

5.3 Analyse des Contreparties Supposées

En échange de ce soutien financier, des engagements auraient été pris envers le régime libyen dans plusieurs domaines stratégiques.

  1. Contrepartie Diplomatique : La réintégration de la Libye sur la scène internationale était un objectif majeur pour Mouammar Kadhafi. La visite officielle du leader libyen à Paris en décembre 2007 est analysée comme la réalisation concrète de cette contrepartie, offrant au régime une légitimité diplomatique de premier plan.
  2. Contreparties Économiques : Le renforcement de la coopération s’est matérialisé par des accords significatifs, notamment un accord de coopération sur le nucléaire civil (signé le 25 juillet 2007) et le contrat pour la vente du système de surveillance des communications AMESYS.
  3. Contrepartie Juridique : La situation pénale d’Abdallah SENOUSSI, condamné par contumace en France à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’attentat contre le vol UTA 772, était un point de friction majeur. Des documents et témoignages révèlent que des discussions ont eu lieu, impliquant des avocats comme Thierry HERZOG, pour trouver une solution à cette condamnation. Cet effort est présenté comme un engagement direct pris par l’entourage de Nicolas Sarkozy pour régler ce « contentieux » personnel.

5.4 Transition

Bien que la traçabilité finale des fonds jusqu’aux comptes de l’Association de financement pour la campagne de Nicolas SARKOZY (AFCNS) demeure un défi en raison de la complexité des circuits, l’ensemble des éléments — témoignages concordants, documents écrits, flux financiers tracés et contreparties observées — dessine le tableau cohérent d’un pacte corruptif conclu entre de hauts responsables des États français et libyen.


6.0 Synthèse du Dossier

L’analyse des relations franco-libyennes de 2005 à 2011 révèle un système symbiotique où les intérêts diplomatiques et économiques se sont entremêlés avec des pratiques financières opaques caractéristiques de la finance d’ombre étatique. Le pouvoir libyen, défini par une dualité entre institutions officielles et réseaux d’influence claniques, a instrumentalisé ses appareils financiers, notamment le fonds souverain LAIP, pour projeter son influence et mener des opérations secrètes. Au cœur de ces interactions, un réseau d’intermédiaires a joué un rôle crucial dans la mise en œuvre de montages sophistiqués, conçus pour garantir le déni plausible et dissimuler les bénéficiaires finaux des fonds. Les éléments factuels et les flux financiers tracés dessinent les contours d’un pacte corruptif, où la haute politique était mise au service d’intérêts financiers privés et d’objectifs politiques illicites, laissant un héritage de controverses judiciaires qui continuent de définir cette période charnière.

Qui est qui ? Les protagonistes de l’affaire du financement libyen

Pour comprendre l’affaire du financement libyen, il est impératif de cartographier le réseau complexe de politiciens, d’espions et de financiers qui en constituent la trame. Ce document, sourcé exclusivement à partir du jugement pénal, dissèque les rôles et les manœuvres de chaque protagoniste pour révéler la mécanique d’un pacte corruptif d’État (un accord illicite où un soutien financier est échangé contre des faveurs politiques ou des actes liés à une fonction publique).


Le Cercle Politique Français

1. Nicolas Sarkozy

  • Synthèse du Rôle : Bénéficiaire final et présumé instigateur du pacte corruptif, Nicolas Sarkozy est au sommet de la pyramide accusatoire. Le jugement le dépeint comme celui qui, de la place Beauvau à l’Élysée, a sciemment laissé ses plus proches lieutenants monnayer son influence politique à venir.
  • Identité et Fonctions :
    • Ministre d’État, ministre de l’Intérieur (jusqu’au 26 mars 2007)
    • Président de l’UMP
    • Candidat à l’élection présidentielle de 2007
    • Président de la République (à partir du 16 mai 2007)
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Pacte corruptif : Il est au cœur de l’accusation d’avoir conclu un pacte avec le régime libyen pour obtenir un soutien financier en échange de contreparties diplomatiques, économiques et juridiques.
    • Financement illégal de campagne : Il est accusé de recel de détournement de fonds publics (le fait de détenir ou de profiter de fonds dont on sait qu’ils proviennent d’un détournement commis par un agent public) et de financement illégal de sa campagne de 2007. Le tribunal a retenu sa culpabilité pour le délit d’association de malfaiteurs (une entente délictueuse formée en vue de préparer un ou plusieurs crimes ou délits) en vue de préparer la corruption.
    • Rôle passif allégué : Alors que l’accusation soutient qu’il a « laissé agir » ses proches, le jugement le déclare coupable pour avoir « laissé agir ses plus proches collaborateurs […] sur lesquels il avait autorité et qui agissaient en son nom », estimant qu’il ne pouvait ignorer leurs manœuvres.
    • Relations avec les intermédiaires : Il a rencontré Alexandre Djouhri au Bristol au printemps 2006 et Ziad Takieddine à deux reprises avant 2005.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Claude Guéant Directeur de cabinet, directeur de campagne, très proche collaborateur.
Brice Hortefeux Ami proche, soutien politique, ministre délégué.
Mouammar Kadhafi Homologue en tant que chef d’État ; il aurait ordonné le financement.
Alexandre Djouhri Relation cordiale ; intermédiaire qui a œuvré au rapprochement avec les « chiraquiens ».
Thierry Gaubert Ami et ancien collaborateur à la mairie de Neuilly ; les relations se sont ensuite distendues.
Éric Woerth Trésorier de sa campagne présidentielle de 2007.

2. Claude Guéant

  • Synthèse du Rôle : Principal orchestrateur et exécutant des opérations pour le compte de Nicolas Sarkozy, il est également identifié comme un bénéficiaire direct de fonds destinés à acheter son influence.
  • Identité et Fonctions :
    • Directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy (ministère de l’Intérieur)
    • Directeur de campagne (2007)
    • Secrétaire général de la Présidence de la République (à partir de mai 2007)
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Négociateur du pacte : Il a mené les discussions avec les collaborateurs de Kadhafi, notamment lors d’une rencontre confidentielle avec Abdallah Senoussi le 30 septembre ou 1er octobre 2005.
    • Corruption et trafic d’influence : Le jugement établit un lien de cause à effet direct entre des interventions de Claude Guéant en faveur d’Alexandre Djouhri (auprès d’EADS pour une commission et du ministère du Budget pour la dette fiscale de la villa de Mougins) et la réception de 500 000 euros.
    • Affaire des 500 000 euros : Cette somme, versée par le réseau Djouhri, est considérée par le tribunal comme la rémunération de ses interventions. Pour la justifier, Claude Guéant a invoqué la vente fictive de deux tableaux, un montage financier complexe impliquant Alexandre Djouhri et le circuit des Bugshan.
    • Coffre-fort : Il a loué un grand coffre-fort à la BNP durant la campagne, pour lequel ses explications, jugées « hallucinantes » et « aberrantes » par des collaborateurs, n’ont pas convaincu le tribunal.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Nicolas Sarkozy Très proche collaborateur, directeur de cabinet et de campagne.
Alexandre Djouhri Relation d’amitié ; il l’a reçu 59 fois à l’Élysée.
Ziad Takieddine Intermédiaire avec lequel il organisait des visites et échangeait des documents.
Abdallah Senoussi Interlocuteur libyen rencontré de manière confidentielle en 2005.
Wahib Nacer Rencontré au moins une fois à l’Élysée avec Alexandre Djouhri.

3. Brice Hortefeux

  • Synthèse du Rôle : Membre du premier cercle de Nicolas Sarkozy, il est directement impliqué dans les négociations initiales avec le régime libyen, agissant comme émissaire de confiance.
  • Identité et Fonctions :
    • Ministre délégué aux Collectivités territoriales
    • Membre du bureau politique de l’UMP
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Rencontre avec Senoussi : Il a rencontré secrètement Abdallah Senoussi le 21 décembre 2005 à Tripoli. Ses justifications pour ce voyage ont été jugées « dénuées de toute crédibilité » par le tribunal.
    • Association de malfaiteurs : Il a été déclaré coupable de ce chef pour sa participation active à l’entente en vue de préparer la corruption.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Nicolas Sarkozy Ami proche et soutien politique de longue date.
Thierry Gaubert Grande complicité et amitié depuis leur collaboration à la mairie de Neuilly.
Ziad Takieddine Connaissance, présenté par Thierry Gaubert.
Abdallah Senoussi Interlocuteur libyen rencontré de manière confidentielle.

Mais ce montage politico-financier parisien n’était qu’une face de la médaille. De l’autre côté de la Méditerranée, au plus haut sommet de la Jamahiriya, le régime de Kadhafi orchestrait sa contrepartie.


Le Régime Libyen

4. Mouammar Kadhafi

  • Synthèse du Rôle : « Guide » de la révolution libyenne et instigateur présumé du financement, il cherchait à monnayer les ressources financières de son pays pour réintégrer la scène internationale après des années de sanctions.
  • Identité et Fonctions :
    • Chef de l’État de facto de la « Grande Jamahiriya arabe libyenne »
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Ordre de financement : Il est présenté comme celui qui a donné « des ordres au comptable » pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy, espérant en retour un « gain » politique et diplomatique pour la Libye.
    • Contexte diplomatique : Son régime, affaibli par l’embargo, cherchait un rapprochement stratégique avec l’Europe, contexte qui a favorisé les visites secrètes de hauts responsables français.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Nicolas Sarkozy Homologue et « ami » qu’il prétend avoir fait élire.
Bashir Saleh Directeur de cabinet, homme de confiance.
Abdallah Senoussi Beau-frère, chef du renseignement, n°2 du régime.
Saif Al Islam Kadhafi Fils, présenté comme son dauphin.

5. Abdallah Senoussi

  • Synthèse du Rôle : Numéro 2 du régime et chef des redoutés services de renseignement, il fut l’interlocuteur clé des émissaires français pour négocier les termes du pacte corruptif.
  • Identité et Fonctions :
    • Chef du renseignement militaire libyen
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Condamnation pour terrorisme : Déjà condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par contumace en France pour l’attentat contre le vol UTA 772, sa situation judiciaire était un enjeu majeur.
    • Contrepartie juridique : L’annulation de sa condamnation ou un arrangement judiciaire constituait une contrepartie potentielle et centrale dans les négociations avec les émissaires français.
    • Rencontres confidentielles : Il a rencontré secrètement Claude Guéant et Brice Hortefeux en 2005 pour discuter des termes du pacte.
    • Flux financiers : Le journal de Choukri Ghanem le mentionne comme ayant supervisé l’envoi de 2 millions d’euros destinés à la campagne.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Mouammar Kadhafi Beau-frère et homme de confiance.
Claude Guéant Interlocuteur français lors d’une rencontre confidentielle.
Brice Hortefeux Interlocuteur français lors d’une rencontre confidentielle.
Ziad Takieddine Intermédiaire qui facilitait le contact avec les Français.

6. Bashir Saleh

  • Synthèse du Rôle : Considéré comme le « grand argentier » du régime, il était au cœur des opérations de détournement de fonds publics via le fonds souverain libyen, qu’il utilisait comme un levier financier personnel et politique.
  • Identité et Fonctions :
    • Directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi
    • Dirigeant du fonds souverain Libyan African Investment Portfolio (LAIP/LAP)
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Affaire de la villa de Mougins : Il a orchestré l’achat par le LAP de la villa détenue par Alexandre Djouhri pour 10,14 millions d’euros, un prix jugé largement surévalué par rapport à sa valeur réelle estimée à 1,8 million d’euros, constituant un détournement de fonds publics.
    • Flux financiers : Il est cité dans le journal de Choukri Ghanem comme ayant envoyé 1,5 million d’euros pour la campagne de Nicolas Sarkozy.
    • « Exfiltration » de France : Son départ précipité de France, le 3 mai 2012, est interprété comme une manœuvre pour l’empêcher de témoigner. Ce départ a eu lieu entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012, juste après la publication par Mediapart de la « note Moussa Koussa » et la déclaration publique de Nicolas Sarkozy selon laquelle Saleh serait arrêté s’il se trouvait en France.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Mouammar Kadhafi Directeur de cabinet.
Alexandre Djouhri Proche, bénéficiaire de la vente de la villa de Mougins.
Claude Guéant Rencontré à l’Élysée en compagnie d’Alexandre Djouhri.

Pour connecter ces deux sphères de pouvoir et faire circuler les fonds occultes, un réseau d’intermédiaires et de financiers a joué un rôle indispensable.


Les Intermédiaires et Financiers

7. Ziad Takieddine

  • Synthèse du Rôle : Intermédiaire central et autoproclamé « ambassadeur bis » entre Paris et Tripoli, il est le transporteur présumé des fonds en espèces et le principal canal de communication entre les deux camps.
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Remise des valises : Il a affirmé (avec des versions variables) avoir remis 5 millions d’euros en espèces à Claude Guéant et Nicolas Sarkozy, livrés dans des valises au ministère de l’Intérieur.
    • Rôle d’intermédiaire : Il a organisé les contacts et les rencontres secrètes entre l’entourage de Sarkozy (Guéant, Hortefeux) et les dignitaires libyens, en particulier Abdallah Senoussi.
    • Flux financiers : Ses sociétés, notamment ROSSFIELD TRADING, ont servi de réceptacle à des millions d’euros de fonds publics libyens. Le jugement considère ces retraits massifs d’espèces, dont la temporalité est compatible avec la période de campagne, comme l’un des principaux mécanismes d’injection de fonds non traçables dans le circuit politique.
    • Contrat AMESYS : Il a agi comme intermédiaire dans le contrat de vente de matériel de surveillance électronique (système EAGLE) à la Libye.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Claude Guéant Contact principal au sein du cercle de Sarkozy.
Brice Hortefeux Contact au sein du cercle de Sarkozy.
Thierry Gaubert Ami, qui a reçu 440 000€ sur le compte de son trust.
Abdallah Senoussi Contact principal au sein du régime libyen.

8. Alexandre Djouhri

  • Synthèse du Rôle : Archétype de l’intermédiaire de l’ombre, Alexandre Djouhri est le pivot financier de l’affaire, utilisant son carnet d’adresses et une ingénierie financière opaque pour transformer les fonds publics libyens en gains personnels et en leviers de corruption.
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Vente de la villa de Mougins : Il était le propriétaire réel de la villa vendue au fonds libyen LAP à un prix surévalué, une opération qualifiée de détournement de fonds publics qui lui a permis de réaliser un gain de plus de 8 millions d’euros.
    • Affaire des 500 000 euros : Il a organisé le montage financier qui a permis de verser 500 000 euros à Claude Guéant, somme qui lui aurait ensuite été remboursée via le circuit financier des Bugshan.
    • Corruption et trafic d’influence : Il a offert une montre Patek Philippe à Claude Guéant, offerte fin 2006, après leur deuxième rencontre seulement, un geste interprété par le jugement non comme un simple cadeau amical mais comme une étape précoce dans l’établissement d’une relation corruptrice.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Claude Guéant Ami et contact politique de haut niveau, considéré comme son « obligé ».
Bashir Saleh Proche, interlocuteur clé pour la vente de la villa et les commissions EADS.
Wahib Nacer Homme de confiance pour ses opérations financières.
Nicolas Sarkozy Relation cordiale, rencontré au Bristol en 2006.

9. Wahib Nacer et la famille Bugshan (Khalid Ali et Ahmed Salem)

  • Synthèse du Rôle : Ils sont les architectes et les fournisseurs de l’infrastructure financière qui a permis de blanchir les fonds via un système de « chambre de compensation occulte », un véritable système bancaire parallèle.
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Le mécanisme de la « chambre de compensation occulte » : Le jugement décrit un système de shadow banking où les vastes comptes de la famille Bugshan servaient de « comptes hôtes » pour dissimuler les mouvements de fonds de tiers comme Alexandre Djouhri. Gérées par Wahib Nacer via des annotations sur papier et des ordres téléphoniques, ces opérations étaient invisibles aux audits bancaires standards.
    • Wahib Nacer (Le Banquier) : Il est le cerveau de cette ingénierie, gérant les comptes, créant des sociétés-écrans (comme BEDUX MANAGEMENT) et orchestrant les flux pour dissimuler l’origine et la destination des fonds.
    • Khalid Ali Bugshan (Le Financier) : Son compte bancaire en Arabie Saoudite a été la source du virement de 500 000 euros destiné à Claude Guéant, prétendument pour l’achat de tableaux.
    • Ahmed Salem Bugshan (Le Prête-nom) : Ses comptes et la société-écran BEDUX, créée à son nom mais gérée par Nacer, ont été utilisés pour la vente de la villa de Mougins et le remboursement des 500 000 euros à Alexandre Djouhri.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Alexandre Djouhri Wahib Nacer était son homme de confiance pour les montages financiers.
Claude Guéant Leurs comptes ont été utilisés dans le montage des 500 000 euros.
Sivajothi Rajendram Connaissance de longue date de Wahib Nacer ; son cabinet a servi de « compte rebond ».

Pour comprendre l’affaire du financement libyen, il est impératif de cartographier le réseau complexe de politiciens, d’espions et de financiers qui en constituent la trame. Ce document, sourcé exclusivement à partir du jugement pénal, dissèque les rôles et les manœuvres de chaque protagoniste pour révéler la mécanique d’un pacte corruptif d’État (un accord illicite où un soutien financier est échangé contre des faveurs politiques ou des actes liés à une fonction publique).


Le Régime Libyen

4. Mouammar Kadhafi

  • Synthèse du Rôle : « Guide » de la révolution libyenne et instigateur présumé du financement, il cherchait à monnayer les ressources financières de son pays pour réintégrer la scène internationale après des années de sanctions.
  • Identité et Fonctions :
    • Chef de l’État de facto de la « Grande Jamahiriya arabe libyenne »
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Ordre de financement : Il est présenté comme celui qui a donné « des ordres au comptable » pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy, espérant en retour un « gain » politique et diplomatique pour la Libye.
    • Contexte diplomatique : Son régime, affaibli par l’embargo, cherchait un rapprochement stratégique avec l’Europe, contexte qui a favorisé les visites secrètes de hauts responsables français.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Nicolas Sarkozy Homologue et « ami » qu’il prétend avoir fait élire.
Bashir Saleh Directeur de cabinet, homme de confiance.
Abdallah Senoussi Beau-frère, chef du renseignement, n°2 du régime.
Saif Al Islam Kadhafi Fils, présenté comme son dauphin.

5. Abdallah Senoussi

  • Synthèse du Rôle : Numéro 2 du régime et chef des redoutés services de renseignement, il fut l’interlocuteur clé des émissaires français pour négocier les termes du pacte corruptif.
  • Identité et Fonctions :
    • Chef du renseignement militaire libyen
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Condamnation pour terrorisme : Déjà condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par contumace en France pour l’attentat contre le vol UTA 772, sa situation judiciaire était un enjeu majeur.
    • Contrepartie juridique : L’annulation de sa condamnation ou un arrangement judiciaire constituait une contrepartie potentielle et centrale dans les négociations avec les émissaires français.
    • Rencontres confidentielles : Il a rencontré secrètement Claude Guéant et Brice Hortefeux en 2005 pour discuter des termes du pacte.
    • Flux financiers : Le journal de Choukri Ghanem le mentionne comme ayant supervisé l’envoi de 2 millions d’euros destinés à la campagne.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Mouammar Kadhafi Beau-frère et homme de confiance.
Claude Guéant Interlocuteur français lors d’une rencontre confidentielle.
Brice Hortefeux Interlocuteur français lors d’une rencontre confidentielle.
Ziad Takieddine Intermédiaire qui facilitait le contact avec les Français.

6. Bashir Saleh

  • Synthèse du Rôle : Considéré comme le « grand argentier » du régime, il était au cœur des opérations de détournement de fonds publics via le fonds souverain libyen, qu’il utilisait comme un levier financier personnel et politique.
  • Identité et Fonctions :
    • Directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi
    • Dirigeant du fonds souverain Libyan African Investment Portfolio (LAIP/LAP)
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Affaire de la villa de Mougins : Il a orchestré l’achat par le LAP de la villa détenue par Alexandre Djouhri pour 10,14 millions d’euros, un prix jugé largement surévalué par rapport à sa valeur réelle estimée à 1,8 million d’euros, constituant un détournement de fonds publics.
    • Flux financiers : Il est cité dans le journal de Choukri Ghanem comme ayant envoyé 1,5 million d’euros pour la campagne de Nicolas Sarkozy.
    • « Exfiltration » de France : Son départ précipité de France, le 3 mai 2012, est interprété comme une manœuvre pour l’empêcher de témoigner. Ce départ a eu lieu entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012, juste après la publication par Mediapart de la « note Moussa Koussa » et la déclaration publique de Nicolas Sarkozy selon laquelle Saleh serait arrêté s’il se trouvait en France.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Mouammar Kadhafi Directeur de cabinet.
Alexandre Djouhri Proche, bénéficiaire de la vente de la villa de Mougins.
Claude Guéant Rencontré à l’Élysée en compagnie d’Alexandre Djouhri.

Pour connecter ces deux sphères de pouvoir et faire circuler les fonds occultes, un réseau d’intermédiaires et de financiers a joué un rôle indispensable.


Les Intermédiaires et Financiers

7. Ziad Takieddine

  • Synthèse du Rôle : Intermédiaire central et autoproclamé « ambassadeur bis » entre Paris et Tripoli, il est le transporteur présumé des fonds en espèces et le principal canal de communication entre les deux camps.
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Remise des valises : Il a affirmé (avec des versions variables) avoir remis 5 millions d’euros en espèces à Claude Guéant et Nicolas Sarkozy, livrés dans des valises au ministère de l’Intérieur.
    • Rôle d’intermédiaire : Il a organisé les contacts et les rencontres secrètes entre l’entourage de Sarkozy (Guéant, Hortefeux) et les dignitaires libyens, en particulier Abdallah Senoussi.
    • Flux financiers : Ses sociétés, notamment ROSSFIELD TRADING, ont servi de réceptacle à des millions d’euros de fonds publics libyens. Le jugement considère ces retraits massifs d’espèces, dont la temporalité est compatible avec la période de campagne, comme l’un des principaux mécanismes d’injection de fonds non traçables dans le circuit politique.
    • Contrat AMESYS : Il a agi comme intermédiaire dans le contrat de vente de matériel de surveillance électronique (système EAGLE) à la Libye.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Claude Guéant Contact principal au sein du cercle de Sarkozy.
Brice Hortefeux Contact au sein du cercle de Sarkozy.
Thierry Gaubert Ami, qui a reçu 440 000€ sur le compte de son trust.
Abdallah Senoussi Contact principal au sein du régime libyen.

8. Alexandre Djouhri

  • Synthèse du Rôle : Archétype de l’intermédiaire de l’ombre, Alexandre Djouhri est le pivot financier de l’affaire, utilisant son carnet d’adresses et une ingénierie financière opaque pour transformer les fonds publics libyens en gains personnels et en leviers de corruption.
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Vente de la villa de Mougins : Il était le propriétaire réel de la villa vendue au fonds libyen LAP à un prix surévalué, une opération qualifiée de détournement de fonds publics qui lui a permis de réaliser un gain de plus de 8 millions d’euros.
    • Affaire des 500 000 euros : Il a organisé le montage financier qui a permis de verser 500 000 euros à Claude Guéant, somme qui lui aurait ensuite été remboursée via le circuit financier des Bugshan.
    • Corruption et trafic d’influence : Il a offert une montre Patek Philippe à Claude Guéant, offerte fin 2006, après leur deuxième rencontre seulement, un geste interprété par le jugement non comme un simple cadeau amical mais comme une étape précoce dans l’établissement d’une relation corruptrice.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Claude Guéant Ami et contact politique de haut niveau, considéré comme son « obligé ».
Bashir Saleh Proche, interlocuteur clé pour la vente de la villa et les commissions EADS.
Wahib Nacer Homme de confiance pour ses opérations financières.
Nicolas Sarkozy Relation cordiale, rencontré au Bristol en 2006.

9. Wahib Nacer et la famille Bugshan (Khalid Ali et Ahmed Salem)

  • Synthèse du Rôle : Ils sont les architectes et les fournisseurs de l’infrastructure financière qui a permis de blanchir les fonds via un système de « chambre de compensation occulte », un véritable système bancaire parallèle.
  • Principales Actions et Implication dans l’Affaire :
    • Le mécanisme de la « chambre de compensation occulte » : Le jugement décrit un système de shadow banking où les vastes comptes de la famille Bugshan servaient de « comptes hôtes » pour dissimuler les mouvements de fonds de tiers comme Alexandre Djouhri. Gérées par Wahib Nacer via des annotations sur papier et des ordres téléphoniques, ces opérations étaient invisibles aux audits bancaires standards.
    • Wahib Nacer (Le Banquier) : Il est le cerveau de cette ingénierie, gérant les comptes, créant des sociétés-écrans (comme BEDUX MANAGEMENT) et orchestrant les flux pour dissimuler l’origine et la destination des fonds.
    • Khalid Ali Bugshan (Le Financier) : Son compte bancaire en Arabie Saoudite a été la source du virement de 500 000 euros destiné à Claude Guéant, prétendument pour l’achat de tableaux.
    • Ahmed Salem Bugshan (Le Prête-nom) : Ses comptes et la société-écran BEDUX, créée à son nom mais gérée par Nacer, ont été utilisés pour la vente de la villa de Mougins et le remboursement des 500 000 euros à Alexandre Djouhri.
  • Relations Clés :
Personnage Nature de la Relation (selon le texte)
Alexandre Djouhri Wahib Nacer était son homme de confiance pour les montages financiers.
Claude Guéant Leurs comptes ont été utilisés dans le montage des 500 000 euros.
Sivajothi Rajendram Connaissance de longue date de Wahib Nacer ; son cabinet a servi de « compte rebond ».

Démystifier les Montages Financiers Complexes : Une Plongée dans les Mécanismes de l’Argent Occulte

Comme un magicien utilisant des écrans de fumée et des miroirs pour cacher ses tours, la haute délinquance financière emploie des montages complexes pour créer de l’opacité. L’objectif est simple : dissimuler l’origine, le chemin et la destination réels de l’argent pour le rendre intraçable. Ce document se propose de lever le voile sur trois de ces « tours » de passe-passe financier. En nous appuyant sur les mécanismes révélés dans une affaire judiciaire réelle, nous allons décortiquer le fonctionnement de la société écran, du compte rebond et de la chambre de compensation occulte pour comprendre, simplement, comment l’argent sale se déplace dans l’ombre.

1. La Société Écran : Le Masque de l’Argent

Imaginez une poupée russe ou une boîte aux lettres sophistiquée. Son unique fonction est de contenir quelque chose — de l’argent, une villa, des actions — tout en masquant l’identité de son véritable propriétaire. C’est le rôle fondamental de la société écran, que les juristes nomment parfois « sociétés gigognes » : créer une façade légale pour une réalité opaque.

Une société écran se caractérise principalement par trois éléments :

  • Dissimulation du propriétaire réel : Le véritable bénéficiaire économique n’apparaît nulle part. La société est détenue par des prête-noms, des personnes qui prêtent leur identité sans avoir aucun pouvoir réel. Dans l’affaire étudiée, la société panaméenne BEDUX MANAGEMENT Inc. avait pour présidente officielle une employée de ménage du cabinet d’avocats panaméen FMM qui l’avait créée, un prête-nom parfait pour dissimuler le véritable bénéficiaire, Alexandre DJOUHRI.
  • Absence d’activité réelle : Ces sociétés n’ont aucune activité commerciale. Elles ne produisent rien, ne vendent rien et n’ont souvent pas de salariés. Leur existence est purement administrative. La société néerlandaise AKLAL HOLDING NV, par exemple, ne possédait qu’un seul et unique actif : la villa Nabila à Mougins.
  • Domiciliation à l’étranger : Elles sont presque toujours enregistrées dans des pays à la fiscalité avantageuse ou au secret bancaire très strict (comme le Panama pour BEDUX). Cette domiciliation étrangère ajoute une couche de complexité pour les enquêteurs, qui doivent passer par de longues et difficiles demandes d’entraide pénale internationale.

Le tableau suivant illustre parfaitement le rôle de la société BEDUX dans la vente d’une villa à un fonds souverain libyen (LAP).

La Façade Officielle La Réalité Criminelle
BEDUX est officiellement une société panaméenne appartenant à l’homme d’affaires Ahmed Salem BUGSHAN. Elle achète la société AKLAL (propriétaire de la villa) avant de la revendre au fonds libyen. En réalité, BEDUX est une coquille vide créée par Wahib NACER pour le compte d’Alexandre DJOUHRI, son véritable bénéficiaire. Selon le tribunal, son interposition servait à « dissimuler Alexandre DJOUHRI dans la revente » et à opacifier l’ensemble de la transaction.

Le masque de la société écran étant en place, les enquêteurs ont ensuite dû comprendre comment l’argent pouvait se déplacer sans laisser de traces. Cela les a menés à la technique du compte rebond.

2. Le Compte Rebond : L’Escale Financière

Imaginez que vous souhaitiez voyager de Paris à Moscou, mais que vous vouliez brouiller les pistes. Vous prenez un premier vol vers Kuala Lumpur, où vous ne restez que le temps de changer d’avion pour repartir vers Moscou. L’escale n’a d’autre but que de rompre la ligne directe entre l’origine et la destination. Le compte rebond fonctionne exactement sur ce principe.

Il s’agit d’utiliser un compte bancaire légitime comme une étape transitoire pour un virement. Les fonds y arrivent et en repartent quasi immédiatement vers leur destination finale. Le passage éclair par ce compte intermédiaire — le « rebond » — crée une rupture dans la traçabilité et donne une apparence de légitimité à l’opération.

L’exemple du versement de 500 000 euros à Claude GUEANT est une illustration limpide :

  1. Origine des fonds : L’argent provient du compte personnel de Khalid Ali BUGSHAN, un homme d’affaires en Arabie Saoudite.
  2. L’escale (Le « Rebond ») : La somme est virée sur le compte professionnel du cabinet d’avocats malaisien de Sivajothi RAJENDRAM. Le tribunal a conclu que M. RAJENDRAM avait mis à disposition son compte professionnel pour y recevoir la somme de 500 000 euros, avant de la virer vers le destinataire final.
  3. Destination Finale : Le cabinet d’avocats vire ensuite les 500 000 euros sur le compte personnel de Claude GUEANT en France.

Le bénéfice est évident : le virement reçu par Claude GUEANT ne provient pas directement d’un homme d’affaires saoudien, mais d’un cabinet d’avocats en Malaisie. Cette manœuvre permet de donner une justification apparente à la transaction (une prétendue « vente de tableaux ») et rend le lien avec l’origine réelle des fonds beaucoup plus difficile à prouver. Comme les enquêteurs le découvriront plus tard, ce versement apparemment isolé était en réalité directement lié à l’argent généré par la vente surévaluée de la villa de Mougins, démontrant comment ces techniques s’emboîtent les unes dans les autres.

Les comptes rebonds sont très efficaces pour des transactions uniques. Mais pour gérer de multiples flux financiers occultes entre plusieurs personnes, un système encore plus sophistiqué est nécessaire : la chambre de compensation occulte.

3. La Chambre de Compensation Occulte : La Banque Privée Clandestine

Imaginez un groupe d’amis qui se doivent de l’argent. Plutôt que de faire des virements, ils désignent la personne qui a le plus d’argent en poche, le « compte hôte ». Ils lui disent simplement : « Note que Pierre me doit 50€, et que je dois 30€ à Jacques ». La personne centrale met à jour son carnet, et aucune somme n’est échangée visiblement. Cette personne centrale et son carnet constituent une « chambre de compensation » privée.

Le tribunal a mis en lumière un système similaire, qualifié de « chambre de compensation occulte », qui fonctionnait comme une véritable banque clandestine. En voici les éléments clés :

  • Le « Compte Hôte » : Un compte bancaire officiel, très bien approvisionné, appartenant à une personne de confiance (ici, les comptes des cousins BUGSHAN). Le volume très important des transactions légales sur ce compte permet de noyer les opérations occultes, les rendant invisibles. Aux yeux de la banque, ces clients étaient des « confortables vaches à lait », ce qui réduisait la surveillance et facilitait la dissimulation.
  • Les « Sous-Comptes Invisibles » : Des comptes virtuels qui n’existent que sur papier. Ces comptes, tenus par le gestionnaire (Wahib NACER) dans ses notes, suivaient les dettes et les créances réelles entre les différents participants (comme Alexandre DJOUHRI), offrant une véritable « bancarisation occulte » à des individus qui n’avaient pas besoin d’avoir de l’argent sur leurs propres comptes.
  • Le Gestionnaire : Un homme de confiance, le banquier Wahib NACER, qui orchestrait le système tel un véritable banquier clandestin. Il recevait les instructions, souvent par téléphone, et tenait une comptabilité parallèle sur des relevés papier annotés, « à l’exclusion de tout enregistrement et archivage numérique » pour ne laisser aucune trace informatique.
  • Les Opérations : Le système permettait de régler des dépenses, de faire des retraits massifs en espèces et de compenser des dettes entre les membres par un simple jeu d’écriture. Il autorisait même des « rétro-compensations », c’est-à-dire des avances, l’argent quittant le compte hôte avant d’être ultérieurement remboursé par un flux équivalent.

Ce système permettait à Alexandre DJOUHRI, qui n’avait presque aucun compte bancaire à son nom, de maintenir un train de vie luxueux. Toutes ses dépenses étaient payées directement depuis les « comptes hôtes » des BUGSHAN, sur instruction de Wahib NACER :

  • Factures de son tailleur (Arturo Cifonelli)
  • Séjours dans des palaces (Hôtel RITZ)
  • Achats de voitures de luxe (Porsche via AMAG)
  • Multiples retraits de grosses sommes en espèces.

Ces techniques ne sont pas utilisées isolément. Leur véritable puissance réside dans leur combinaison, qui crée un système de dissimulation quasi-impénétrable.

4. Synthèse : L’Architecture de l’Opacité

La force de ces montages financiers réside dans leur articulation. Le but est de superposer les couches de complexité pour que le traçage des fonds devienne un véritable casse-tête, voire une mission impossible pour les enquêteurs.

L’histoire du remboursement des 500 000 euros versés à Claude GUEANT illustre parfaitement comment ces trois techniques peuvent être combinées pour former une architecture de l’opacité :

  1. L’Argent de Départ : Des fonds proviennent de la vente surévaluée de la villa de Mougins. Cette opération a été rendue possible par l’utilisation de sociétés écrans (AKLAL et BEDUX) pour masquer le véritable vendeur et le caractère frauduleux de la transaction.
  2. Le Mouvement Occulte : Cet argent, produit du détournement de fonds, est versé sur les « comptes hôtes » de la chambre de compensation occulte gérée par Wahib NACER.
  3. Le Remboursement : Sur instruction, Wahib NACER utilise ce système pour faire transiter les fonds via plusieurs comptes (ceux d’Ahmed Salem BUGSHAN) afin de créditer le compte de Khalid Ali BUGSHAN. Cette opération rembourse la somme que ce dernier avait initialement versée.
  4. Le Versement Initial : Il faut rappeler que ce versement initial à Claude GUEANT avait lui-même utilisé la technique du compte rebond via le compte professionnel du cabinet d’avocats en Malaisie pour masquer son origine saoudienne.

En une phrase, l’argent, dont l’origine est délictueuse (un détournement de fonds via une société écran), est blanchi à travers une chambre de compensation invisible pour rembourser un pot-de-vin qui avait été versé grâce à un compte rebond.

5. Conclusion

Ces mécanismes, bien que complexes, poursuivent tous un objectif simple et unique : créer une opacité maximale. La société écran agit comme un masque pour dissimuler l’identité du propriétaire. Le compte rebond sert d’escale pour brouiller la piste de l’argent. La chambre de compensation occulte fonctionne comme une banque clandestine pour gérer des flux multiples à l’abri des regards. En les combinant, les acteurs de la délinquance financière cherchent à séparer définitivement l’argent de son origine illicite et de son bénéficiaire final, rendant la justice plus difficile à établir et le crime, presque parfait.

Je ne comprends pas cette « haine » que Nicolas Sarkozy a prétendu être la raison de sa condamnation, après tout Nicolas Sarkozy a seulement dit:

  • En 2011, lors de la polémique sur les écoutes judiciaires, il a parlé des « bâtards de juges bordelais », une expression insultante rapportée dans les écoutes secrètes impliquant son entourage.

  • Toujours en 2011, il a qualifié certains juges de « petits pois », pour critiquer leur formation et homogénéité, insinuant un manque d’indépendance.

  • En 2022, à propos de la question de la partialité de certains magistrats, Sarkozy a insinué un système judiciaire biaisé, critiquant ouvertement la magistrature.

  • En septembre 2025, lors de sa condamnation, il a dénoncé ouvertement des juges en marge, qui selon lui pratiqueraient la justice « politique » et « mensongère », qualifiant leurs décisions de complot et d’injustice.

Pas sûr qu’insulter les juges soit très judicieux quand on est justiciable…