L'invention de l'Amérique

L’Amérique n’a pas toujours existé.

Contrairement à ce que l’on admet couramment Christophe Colomb n’est pour rien dans sa découverte, ou pour si peu. S’il a effectivement découvert quelques îles dans les Caraïbes, il n’est guère allé plus loin, étant persuadé d’avoir atteint le but de son voyage, les côtes de l’Asie du Sud-Est. Vous me direz entre les Caraïbes et l’Asie du Sud-Est il y a quand même beaucoup d’espace, celui de l’océan Pacifique principalement.

Mais à l’époque cette partie du monde était grandement inconnue; cela peut sembler curieux car déjà avant Jésus-Christ on avait assez précisément mesuré la taille du globe terrestre, on peut donc supposer que les navigateurs se seraient aperçu facilement qu’il leur manquait un océan et pas des moindres…

Mais c’est oublier un peu vite que si les navigateurs à cette époque savaient assez bien se repérer par rapport à la latitude, grâce à l’astronomie, il ne savaient quasiment pas se repérer par rapport à la longitude. Il faudra attendre l’invention du chronomètre de marine pour cela.

Et la différence entre les Caraïbes et l’Asie du Sud-Est est une question de longitude.

Revenons à notre Amérique.

Pourquoi s’appelle-t-elle comme cela pour commencer? Eh bien aussi improbable que cela puisse paraître l’Amérique, le continent américain, a été inventé un peu par hasard et par erreur, et son nom attribué par Martin Waldseemüller dans une très petite commune des Vosges qui s’appelle Saint-Dié. C’est en effet à Saint-Dié qu’il publie en 1507 le planisphère de Waldseemüller qui contient la première mention du mot America, nom donné en l’honneur de l’explorateur Amerigo Vespucci sur une carte intitulé « Universalis Cosmographia ».

Entre 1497 et 1504, Amerigo participe à au moins deux voyages de l’âge des découvertes, le premier au nom de l’Espagne entre 1499 et 1500, et le deuxième pour le Portugal entre 1501 et 1502. En 1503 et en 1505, deux livrets sont publiés sous son nom. Les deux évoquent le Nouveau Monde, qui aujourd’hui porte le nom d’Amérique en son honneur. Les deux livrets contiennent des descriptions colorées de ces explorations et d’autres voyages présumés. Ils deviennent vite populaires et se diffusent largement dans l’Europe.

Par Martin Waldseemüller — Library of Congress, [1], Domaine public, Lien

Gageons qu’à peu près aucun habitant du continent américain actuel ne se doute que le nom de son continent provient d’une petite commune des Vosges, à supposer qu’il sache où se trouvent les Vosges.

America est la féminisation du mot Amerigo du nom du navigateur qui fut le premier à reconnaître la quatrième partie du Monde comme un monde nouveau. Il était en fait le premier à avoir navigué suffisamment au sud de l’hémisphère sud pour se rendre compte que ces terres ne pouvaient pas être l’Asie du Sud-Est. C’est d’ailleurs plutôt l’Amérique du Sud qui a été reconnue en tant que telle en premier puisque à cette époque en 1507, l’Amérique du Nord actuelle n’est désignée que par la mention « Terra vuida incognita » autrement dit terre déserte inconnue. Rappelons à ce propos que le fils d’Eric le Rouge le viking est, c’est maintenant avéré, parmi les premiers à avoir posé le pied en Amérique du Nord aux environs de l’an 1000, mais cela n’a pas fait de l’Amérique, l’Amérique, qui est le propos de cet article.

Si vous avez l’occasion, je vous conseille la lecture du livre de Stefan Zweig, « Amerigo, récit d’une erreur historique ».

Cette carte de 1491 est le témoin le plus fidèle de ce que Christophe Colomb savait du monde lorsqu’il a entrepris sa traversée de l’Atlantique. Pour être parfaitement sincère, il en a probablement utilisé une copie pour organiser son voyage.