L'Ukraine à la recherche d'une solution de rechange à Starlink

Si l’Ukraine résiste encore et toujours à l’envahisseur russe, elle le doit en premier lieu au patron de Starlink, Elon Musk. C’est lui qui, deux jours après l’invasion, a accepté de connecter l’Ukraine à sa constellation de satellites en orbite basse. Reliés à plus de 6 000 satellites, des milliers de terminaux financés par SpaceX ont permis aux Ukrainiens ordinaires, aux autorités civiles et militaires, de communiquer lorsque leurs télécommunications s’étaient effondrées. L’armée ukrainienne en a largement profité.

Xavier Tytelman, consultant en aéronautique, Air & Cosmos :

  • Cela a été un outil permettant à une armée de passer au 21e siècle. Starlink a permis à l’Ukraine d’avoir des centres de commandement connectés, ce que la Russie n’avait pas, permettant de coordonner la remontée de formation pour les drones, de faire du ciblage plus rapide, de coordonner les différentes équipes.

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  • Un an plus tard, Elon Musk a revu son soutien à l’Ukraine et semble pencher davantage vers la Russie. Début février 2023, l’Ukraine a demandé à Starlink de couvrir temporairement, et exceptionnellement, la Crimée, occupée par la Russie. Elle voulait détruire la flotte russe de la mer Noire basée à Sébastopol. Elon Musk a refusé.

  • Le problème, c’est que dans ce cas, on repose sur une infrastructure étrangère, donc il n’y a pas de souveraineté au niveau ukrainien. De plus, Elon Musk a parfois joué le jeu de Moscou. Il se vante par exemple d’avoir arrêté un assaut naval ukrainien massif, quand il a commencé à y avoir des drones navals en grande quantité. Il allait y avoir un Pearl Harbor russe.

  • Elon Musk a expliqué qu’il ne voulait pas s’immiscer dans la guerre et qu’il était au service des civils. Sa position a fait scandale en Ukraine. Elon Musk a menacé d’interrompre le service Starlink, mais Washington s’y est opposé et a financé avec la Pologne l’achat d’autres terminaux pour un total de 47 000.

En 2025, dans les faits, Starlink n’est plus aussi essentiel qu’avant depuis que le front est stable, a constaté Xavier Tytelman, qui y est retourné le mois dernier.

  • Donc l’Ukraine recommence à avoir la 3G même dans les tranchées, presque en première ligne. Les utilisateurs ne sont plus obligés de passer par des communications satellites. Quand les Ukrainiens ont attaqué la Russie en août, ils ont utilisé OneWeb, le système Eutelsat, qui est européen, qui est le concurrent. Donc on sait qu’ils ont déjà une alternative qui fonctionne et qui est en train de monter en puissance.

  • À l’origine américain, OneWeb a fait faillite en 2021 et a été repris par un consortium à majorité européenne sous la direction d’Eutelsat, opérateur français de satellites.

Récemment, une querelle a éclaté sur le réseau X entre le secrétaire d’État Marco Rubio, Elon Musk et le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski. « Sans Starlink, a écrit Elon Musk, le front ukrainien s’effondre. » Marco Rubio a écrit : « Sans Starlink, l’Ukraine aurait perdu la guerre depuis longtemps et les Russes seraient à la frontière polonaise. » « Si Starlink n’est plus fiable, nous chercherons d’autres fournisseurs », a répondu le Polonais.

Sur ce, la PDG d’Eutelsat, Eva Berneke, n’a pas hésité à se dire prête à prendre le relais de Starlink en Ukraine en quelques semaines. - Nous pourrions au moins doubler ou tripler nos capacités en quelques semaines. - Techniquement, il n’est pas compliqué de remplacer les terminaux, c’est une question de logistique, d’organisation sur place, mais peut-être que le débit ne serait pas aussi bon avec Eutelsat puisqu’ils ont moins de satellites. Et puis, il y a une question de coût. Donc est-ce que les Polonais seraient prêts à payer quatre, cinq fois plus cher ? Les Ukrainiens également.

  • Les actions d’Eutelsat montent en flèche. Les questions d’argent deviennent secondaires quand les alliances stratégiques mondiales sont remises en cause et que des doutes s’installent sur la fiabilité de firmes comme SpaceX et Starlink d’Elon Musk, depuis le cœur même de la Maison-Blanche.

Jean-Michel Leprince, Radio-Canada, Montréal.