Le Brésil, un pays découvert par le vent (Gilles Lapouge)

Ce n’est pas un « grand explorateur » qui découvre le Brésil. Ce n’est pas un homme. C’est le vent. Nous sommes en 1500. Cette année-là, Pedro Alvares Cabral quitte Lisbonne avec une flotte de treize navires montée par mille deux cents hommes. Il fait voile tranquillement vers le cap de Bonne-Espérance, au sud de l’Afrique, afin de rallier l’Inde, quand un alizé l’aperçoit. Cet alizé était en verve. Il souffle comme un démon. Cabral perd sa route. Il traverse l’Atlantique en droiture, et comme un lièvre. Il est jeté sur une plage pleine de cocotiers et de sauvages. Il n’y comprend rien. Ses portulans ne signalent pas la moindre terre dans ces parages. Il la baptisera terre de la Vraie Croix. Ensuite, Cabral tourne bride et rejoint Calicut. Il a perdu sept navires. Il se chamaille avec les Indiens et met le feu à quinze navires maures. Il y a des voyages comme ça : rien ne marche !
Le nom de terre de la Vraie Croix était une bourde. Ce que Cabral a empoché distraitement au nom du roi du Portugal est un gros pays, bien épais, bien lourd, monotone et rabâcheur, un continent. Et ce continent, dans ses commencements, est une couleur. Il ne contient pas des mines d’or comme l’Inde du Grand Mogol. Il contient d’immenses mines de couleur rouge, grâce à un arbre très original dont l’aubier est vermillon et qu’on appelle le bois de braise (pau brasil). Ce bois va donner son nom à ce que Cabral avait pris pour terre de la Vraie Croix : le Brésil.

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Ainsi Gilles Lapouge commence-t-il son chapitre à propos du Brésil dans son livre « L’encre du voyageur ».

L’Encre du voyageur a reçu le prix Fémina Essai 2007. « Un voyage n’est que de l’encre. Toute exploration est le souvenir d’un ancien manuscrit. Christophe Colomb découvre une Amérique qu’il avait arpentée dans les récits de Marco Polo. Les missionnaires qui ouvrent le Brésil, au XVIe siècle, connaissent par coeur les textes des écrivains antiques, Pline le Jeune ou Hérodote. C’est pourquoi ils aperçoivent dans la forêt équatoriale toutes ces amazones.